Le cinéma belge : un milieu confidentiel

 

La RTBF dans sa nouvelle émission #Investigations, consacrée à des reportages documentaires sur des sujets polémiques, avec une lourde tendance à vouloir faire dans le "trash", l' "effet d'annonce" et le "doc choc", vient tout juste d'aborder un nouveau sujet : le milieu du cinéma belge francophone (03/06/2020). L'on peut s'étonner qu'un tel sujet figure désormais au rang des autres sujets déjà abordés par l'émission de la RTBF : tabac, fraudes, manipulations, corruption des pouvoirs publics, etc. C'est comme si, après une apparition fracassante, l'émission étendait son champ d'investigation à des sujets qui se prêteraient moins au documentaire choc, d'où probablement la tendance à créer des polémiques de manière plus ou moins partisane et artificielle. 

 

Néanmoins, malgré ses défauts, l'émission a le mérite d'attirer l'attention du public sur un domaine de la culture qui engloutit des centaines de milliers d'euros sur la seule décision de quelques Nabis, autoproclamés en grands juges des enfers en ce qui concerne le cinéma belge francophone, alias la Commission des films, où ne siègent que 5 membres. L'émission suit surtout la trajectoire de la production du film Marbie Star, intégralement réalisé en-dehors des sentiers battus. Des propres mots de M. Dominique Dubuisson, la production de ce film atypique, qui n'a pas reçu l'aval de la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB),  a été mis au ban du monde du cinéma belge francophone.

 

L'argument majeur de la RTBF réside dans le fait que l'obtention d'une subvention de la FWB est déterminante et est un passage quasiment obligé pour se lancer dans une production cinématographique. Par conséquent, certains réalisateurs et producteurs répondent chaque année à l'appel à projets, en vain. La situation est assez analogue au thésard belge qui s'efforce d'obtenir une bourse FNRS de la FWB avant de se lancer dans son projet de thèse. Il résulte de cette situation que l'État belge, dans ses émanations fédérées, surtout la Communauté française, loin de permettre à chacun de se réaliser dans une optique libérale, brime les aspirations, entrave l'innovation et finance des projets qui n'obtiennent l'assentiment que de quelques gros bonnets appartenant à un entre-soi stérile. Les professionnels du cinéma en arrivent à ne plus vouloir prendre position et exprimer un avis au risque de se mettre à dos quelqu'un qui pourrait leur nuire. Une telle situation ne peut mener qu'à un appauvrissement à long terme de la création cinématographique belge. Heureusement, il faut le préciser, il existe d'autres organismes de financement. Le mécanisme du tax-shelter joue à cet égard un rôle déterminant. Il n'en demeure pas moins que l'obtention d'une subvention de la FWB agit comme un gage de qualité.

 

L'émission, sans y trop paraître, se concentre ensuite sur la personne de Jeanne Brunfaut, directrice du Centre du Cinéma. Si celle-ci ne siège pas à la Commission des films, elle y assiste et influence l'avis des membres. Son argumentation est plutôt pauvre (du moins, ce qu'en a laissé transparaître la RTBF) et relève du parti pris, notamment en ce qui concerne les critères permettant le choix des projets retenus, le nombre de membres siégeant dans les commissions, l'efficience des décisions prises et l'impact sociétal des films retenus dont le grand public se fiche royalement !  En outre, le style de management qui émane de ses propos, malgré le ton lénifiant de ceux-ci, ne semble pas garantir l'indépendance de fonctionnement des commissions. Incontestablement, l'émission, à l'aide de sous-entendus créés par le montage, cherche à entacher la réputation de Mme Brunfaut et y parvient remarquablement. La "fameuse dame siégeant en observatrice et qui a oeil sur tout" qu'évoque l'émission est probablement elle. À n'en pas douter, l'émission sent le règlement de compte entre la RTBF et la directrice du Centre du Cinéma, les deux principaux organismes du monde audiovisuel belge francophone.  

 

En bref, une émission à prendre avec des pincettes.